LINCHETA, Aurora (¿La Havane ~1923? - ¿Bombay ~1965?)

 

La mulata Aurora LINCHETA et sa voix de soprano apparaît dans le panorama musical cubain dans la seconde moitié des années trente dans divers programmes de radio tels que la Hora Prophilactic, ainsi que sur les ondes de CMQ et CMK, dans des concours divers qu’elle remporte la plupart du temps. S’exprimant dans un genre que la presse de l’époque qualifie d’afrocubain.

Mais en 1938 elle s’inscrit au concours La Suprema Corte del Arte organisé par la station CMQ, concours qui révèlera une grande quantité d’artistes et qu’elle remporte en décembre de cette année,  interprétant au Teatro Nacional lors du gala final « Pavo Azul » de Ernesto LECUONA . Quelques semaines plus tard, en septembre, elle est invitée par l’orchestre « CASINO de la PLAYA » pour enregistrer « Chivo que rompe tambó » et « El Sun Sun ». Jusqu’en 1941 Aurora va poursuivre les enregistrements avec la formation. Elle chante ainsi en 1939 « Rumba Guajira », en 1940 « Al derecho y al revés » et l’année suivante « Fue en el África » et « Eco » respectivement bolero-son et afro ainsi que la guaracha « Triquitri Triquitra ».


Aurora lors du Concours la Suprema Corte del Arte, 1938.


Malgré le succès obtenu sur ses ondes Aurora quitte la CMQ en mars 1939  pour rejoindre une radio concurrente, CMW-COCW pour participer au programme Doble Onda puis à Audiciones Exclusivas Piedra pour lequel elle est accompagnée par les « HERMANOS LEBATARD ». Elle devient une des  vedettes du programme mais chante aussi pour la CMHI de Santa Clara et rapidement sa voix est entendue dans toute l’île. En décembre 1939 Aurora LINCHETA est invitée à six reprises pour le programme Cadena Partagás de Radio Cadena Azul. Elle partage le protagonisme avec Eliseo GRENET et le chanteur mexicain Jorge Negrete. Avec ces derniers la jeune chanteuse se présente aussi sur les scènes de La Havane et notamment au Teatro Encanto.


L’expression musicale ne suffit pas à Aurora et dès le mois de mars elle est conviée à participer au film Ahora seremos Felices des américains William Nolte et Fred Bain. Le film inclue plusieurs formations musicales cubaines dont les « HERMANOS CASTRO », « TRÍO ANTILLANO » « PABLITO y LILÓN » ainsi que le septeto « JÓVENES del CAYO » avec lequel Aurora LINCHETA interprète « Manguito Mangüe ». Avant même la sortie du film elle est appelée pour deux autres productions Siboney et Cancionero cubano pour lequel elle tient le second rôle mais la jeune chanteuse a déjà une telle popularité qu’elle figure avec LECUONA sur les diverses affiches de promotion du film lors de sa sortie en juillet 1939.

 

Affiche du programme Exclusivas Piedras.


La fulgurante ascension d’Aurora LINCHETA n’est pas du goût de tout le monde musical et la chanteuse se heurte fréquemment à l’envie et la jalousie de concurrentes et principalement à la vedette de l’époque Rita MONTANER qui la déprécie systématiquement pour entraver le développement de sa carrière. Les promoteurs ou impresarii font leur possible pour dessiner une image la laissant apparaitre comme uniquement apte à chanter le pregón ou le style afro.


En 1940 Aurora intervient sur RHC Cadena Azul et l’année suivante, toujours sur les mêmes ondes, elle participe au gala Noche de Estrellas puis rejoint la compagnie de LECUONA au Teatro Principal de la Comedía pour les productions de Ernesto, la zarzuela Lola Cruz puis la sainete lírica La de Jesús María. Elle réalise également plusieurs tournées dans l’île, à Santiago de Cuba, Santa Clara… et est présente sur les principales scènes de la capitale. Au cabaret Montmartre elle danse et chante dans la revue Babalunga les thèmes « Sabelo tó », « Euchituve », « Yima na Yimo ». Au Teatro América  Aurora participe au Show de shows. Au Tabarín elle chante accompagnée de la « COSMOPOLITA » et elle poursuit ses prestations sur les ondes de RHC dans divers programmes, Trinidad y Hermanos, Eslabones de Oro….

Aurora dans une scène du film Cancionero Cubano, 1939.


Aurora Lincheta interprétant Manguito Mangüe dans le film Ahora seremos felices, 1939.

En juin 1942 elle participe avec une pléiade de grandes vedettes dont Rita MONTANER, René CABEL…, les orchestres de Alfredo BRITO,  « CASINO de la PLAYA » à un hommage à Margarita LECUONA au Teatro Fausto. En janvier de l’année suivante c’est à un hommage à Amado Trinidad, le propriétaire de RHC, qu’elle est invitée.
De nouveau une multitude d’artistes sont présents, MONTANER, Chano POZO, le trío « MARVEL SISTERS », Miguel de GRANDY, Rosita FORNÉS …. Aurora LINCHETA s’embarque ensuite pour le Venezuela où  elle chante au Teatro Colón de Caracas.



Venezuela, 1943.

 

Lors de la venue à La Havane, en avril 1944, de l’artiste comique mexicain Cantinflas, Aurora, qu’il a connu lors du séjour vénézuélien, partage la scène de ses présentations puis en août LINCHETA passe sur une radio concurrente, la Mil Diez, où elle interprète « Vira y tumba », « A gozar con el bote », «  Drume negrita »… Un séjour à Mexico l’année suivante lui permet de retrouver les chemins des studios et d’enregistrer avec l’orchestre de Absalón PÉREZ. Au programme des sessions le « Tin Tin Deo » de Chano POZO, « Dice mi gallo » de Ñico SAQUITO et le pregón « El Melcochero ». Elle voyage ensuite de nouveau au Venezuela, à Puerto Rico, Santo Domingo avant de retrouver en 1947 le Mexique où elle est présentée comme El huaracán que canta lors de ses prestations au Tivoli, lieu à la mode à l’époque. Elle est également à l’affiche d’autres clubs ou cabarets, Folies, Minuit et les stations de radio mexicaines.

 


Aurora LINCHETA s’envole pour l’Argentine en décembre 1948 offrant avec Bobby COLLAZO et Marion INCLÁN un spectacle au Teatro Maipo de Buenos Aires, puis s’illustre au Café Tabaris durant trois mois et participe, avec une dizaine  d’artistes cubains se trouvant à Buenos Aires à ce moment, à un grand événement destiné à trouver des fonds pour la Casa del Artista au Teatro Astral.  Elle poursuit sa route vers le Chili et l’Uruguay avant de rentrer à La Havane en octobre 1949. Après plusieurs années d’absence Aurora  retrouve son public en décembre lors du spectacle La Fiesta del Compositor au Teatro Nacional, considéré comme le spectacle de l’année. Elle retrouve aussi la CMQ et son programme De Fiesta con Bacardí.

Sa présence à Cuba est de courte durée. LINCHETA  reçoit des contrats depuis l’Espagne et elle gagne Barcelone dès le début de 1950 pour chanter au cabaret La Rosaleda plusieurs mois puis rejoint El Cortijo qui la présente comme la Mulata de Ébano; l’Enporium où elle devient  la Reina de la Rumba… De nouveau les succès sont au rendez-vous et la presse catalane l’encense. On la réclame à Madrid et en novembre elle gagne la capitale pour se présenter à la Sala Teyma, la Sala J’Hay, au Teatro Victoria où elle figure dans le spectacle Las 100 y una piernas

Aurora à l'affiche de la Sala J'Hay, Madrid 1952.

Son compatriote chorégraphe Sergio Orta l’invite à participer à sa revue Si Eva fuera coqueta inaugurée au Teatro Español de la capitale. De retour à Barcelone elle intervient dans une autre revue Música y Mujeres. Aurora LINCHETA devient El alma de Cuba. En septembre 1951 elle participe à une autre production de Orta, Una noche en La Habana  puis à Madrid à un Hommage à María de los Ángeles Santana au cours duquel elle chante le mambo « El Mareito ». Aurora LINCHETA retrouve de nouveau Orta et sa création Bailando nació una Estrella jusqu’en janvier 1952 au Teatro Español de Barcelone. La presse une nouvelle fois est élogieuse signalant qu’elle est la véritable animatrice du spectacle.
Durant l’année 1951 avec un orchestre typique  -nom donné en Europe aux orchestres formés par des Cubains et interprétant la musique cubaine- elle enregistre huit titres pour la compagnie Columbia commençant par le Son Montuno de Ángel DUARTE « A la United café » puis plusieurs compositions de Juan Bruno TERRAZA, « Rinquincalla », « Oye corazón » ; de Bobby COLLAZO « Esto es felicidad » ; de Orlando de la ROSA, « No me busques más » ; SAQUITO, « Dice mi gallo »….

<<<< "No me busques más", 1951.


Antonio MACHÍN
installé en Espagne après la guerre entraîne Aurora LINCHETA à Seville où sous l’étiquette Le Tourbillon Cubain elle reste plusieurs mois au Café-Bar Manolo de la Glorieta del Perú alternant ses prestations avec celle de la Sala Teyma à Madrid. Deux autres enregistrements sont réalisés cette année-là, « Siboney » et « Arrimate Cariñito ».



 

LINCHETA termine ses contrats espagnols et rentre à Cuba en 1953, occupant de nouveau les scènes de cabarets, théâtres, radios et désormais les programmes de la télévision.

Deux ans plus tard c’est à Paris qu’Aurora poursuit sa carrière. En octobre 1955 le public de la capitale française  découvre la Bombe Cubaine avec Pantaleón PÉREZ PRADO à l’Alhambra lors du Festival de Mambo et Chachacha.

Aurora au même programme que Pantaleón Pérez Prado à Paris.


Tout en restant la vedette du cabaret parisien L’Aiglon elle chante ensuite dans plusieurs villes d’Europe et en Afrique du Nord et devient l’attraction pendant une saison de l’hôtel Majestic de Tunis en 1957. Son répertoire de l’époque comprend « Tierra tembla » de Mariano MERCERÓN. A partir de 1958 elle s’éclipse de la scène musicale et, selon certains, semble s’être mariée à Alger et avoir émigré en Inde où elle serait décédée à Bombay dans la seconde moitié des années soixante.

© Rosa Marquetti
Texte original en español: Aurora Lincheta, apuntes para la reconstrucción de su leyenda negra.



Photographies issues du même travail.
Mise en forme pour Montuno Cubano:
Patrick Dalmace

Rosa Marquetti.
Chercheuse cubaine, auteur de plusieurs autres travaux importants sur Giraldo Piloto, Guapachá, Carlos Vidal, le cabaret Capri... disponibles sur son blog:



Discographie sélectionnée:
* In "Rumbas de hoy y siempre", sans date, thème n° 7, RTV Comercial s/n.
* In "Great Cuban Songwriters", sans date, thème n° 17, RTV Comercial s/n.
* In "Voces por siempre, Vol 2", Espagne 1951, thème n° 10, RTV Comercial s/n.

 

 

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Limonta, Eulalio.
Lopéz, Orestes.
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